Cet article fait partie d'un dossier sur le trouble de la personnalité borderline à retrouver ici.
Le traitement du trouble de la personnalité borderline (TPB) représente un véritable défi pour les professionnels de la santé mentale. Pour bien comprendre les enjeux, il est nécessaire de repartir des bases.
Qu’est-ce que le trouble de la personnalité borderline ?
Définition :
Petit rappel, le trouble de la personnalité borderline (TPB), aussi appelé trouble de la personnalité état-limite, est un trouble de personnalité caractérisé par une dysrégulation émotionnelle, comportementale, relationnelle et personnelle.
Les personnes souffrant de trouble borderline ont souvent des difficultés à réguler leurs émotions et leurs comportements, ce qui peut entraîner des réactions impulsives et des conflits relationnels fréquents, mais aussi des tentatives de suicides répétées et des comportements auto-agressifs.
Parmi les symptômes typiques, on retrouve :
🌪️ des changements émotionnels rapides,
😰 une peur intense de l’abandon et du rejet,
🪞 une image de soi fluctuante,
⚠️ des comportements auto-destructeurs (automutilation, tentatives de suicide) et impulsifs,
😡 et des difficultés à gérer la colère.
Le TPB est souvent diagnostiqué à l'adolescence ou au début de l'âge adulte.


Références :
[1] Sylvia Martin, Le programme ECCCLORE, De Boeck Supérieur, 2022.
[2] Sous la direction de Marc-Antoine Crocq, Julien Daniel Guelfi, DSM-5-TR, Elsevier-Masson, 2023.
[3] Deborah Ducasse, Le trouble Borderline expliqué aux proches, Odile Jacob, 2021.
[4]Braamhorst et alii, Sex bias in Classifying borderline and narcissic personality Disorder, The journal of nervous and mental Disease, 203 (10), 804-808.
Pourquoi le TPB est-il particulièrement compliqué à prendre en charge?
La prise en charge du trouble de la personnalité borderline est complexe pour plusieurs raisons liées au trouble proprement dit mais aussi au contexte de soin.
✖︎ Les patients peuvent en effet alterner entre des phases de forte dépendance et de rejet des thérapeutes, ce qui rend difficile la constance dans le suivi. Une autre difficulté vient de la stigmatisation et de la difficulté à maintenir un lien thérapeutique stable du fait des comportements impulsifs, souvent auto-destructeurs.
✖︎ D’ailleurs, le TPB est souvent associé à d'autres troubles psychiatriques comme la dépression, les troubles anxieux, les troubles du comportement alimentaire, ou les addictions, ce qui complique la prise en charge dans un cadre de soin sectorisé.
✖︎ Ces différents aspects ne favorisent pas la stabilisation et nécessitent souvent une prise en charge multiple (psychiatrique, médicale, sociale).
Pour toutes ces raisons, le travail thérapeutique est d’autant plus contraignant.
Quels sont les risques liés à cette pathologie ?
Le trouble de la personnalité borderline a ceci de particulier qu’il s’accompagne souvent de comorbidités et comporte donc plusieurs risques majeurs. Le principal, ce sont les tentatives de suicide répétées. Mais les comportements à risque sont aussi très fréquents : impulsivité, crises de colères, automutilation, addictions à l'alcool, aux drogues ou aux médicaments…
Ces différents comportements conduisent à des ruptures répétées dans les relations amicales, familiales et amoureuses, aggravant l’isolement social.
Pour gérer leurs émotions ou fuir la souffrance, certaines personnes borderline développent aussi des addictions ce qui augmente le risque et accroit la gravité d’autres comorbidités présentes comme les troubles dépressifs, les troubles anxieux ou les troubles du comportement alimentaire.
Quels sont les modes de traitement les plus courants du trouble borderline ?
Il n’existe pas de médicament miracle pour traiter le TPB. Mais le recours à certains médicaments pourra être utile pour traiter les comorbidités, par exemple pour diminuer l’anxiété ou stabiliser l’humeur. Seule la psychothérapie permettra une amélioration de l’état des patients. Différentes approches psychothérapeutiques permettent de prendre en charge efficacement le trouble de personnalité borderline. En voici quelques-unes :
🔵 La thérapie comportementale dialectique
La thérapie comportementale dialectique [6] (TCD) est l’une des thérapies les plus reconnues pour le traitement du TPB. Développée par Marsha Linehan, elle combine des techniques cognitivo-comportementales avec des approches de pleine conscience. La TCD se concentre sur quatre aspects principaux :
- la régulation des émotions,
- la tolérance à la détresse,
- l’efficacité interpersonnelle
- et la pleine conscience.
Elle aide à mieux gérer les émotions intenses et à réduire les comportements destructeurs.
🔵 La thérapie des schémas [7]
Cette approche s'appuie sur la thérapie cognitivo-comportementale (TCC), mais met l'accent sur les schémas précoces inadaptés (modèles de pensée ancrés depuis l'enfance). Elle aide les patients à modifier les schémas négatifs qu'ils ont développés à propos d’eux-mêmes et des autres.
🔵 La Thérapie Basée sur la Mentalisation [8]
Aussi abrégée TBM. La mentalisation, c’est la capacité à percevoir et à interpréter un comportement comme étant lié à des états mentaux chez soi-même et chez autrui. La TBM, permet aux patients borderline de s’entrainer à mentaliser, en retrouvant la faculté de comprendre l’autre [9].
Les fondamentaux de la prise en charge
Il est essentiel de comprendre que toutes les thérapies efficaces pour le trouble de la personnalité borderline partagent des éléments fondamentaux[5] :
- Elles se caractérisent par un cadre de traitement clair et transparent, offrant au patient une structure bien définie.
- Elles sont spécifiquement centrées sur le trouble de la personnalité borderline, avec des objectifs thérapeutiques acceptés par l'individu, ce qui permet de guider le travail de manière ciblée et efficace.
- Le rôle du thérapeute est également primordial : il doit être actif, encourageant et stimulant, jouant ainsi un rôle déterminant dans l'engagement du patient et le maintien de sa motivation.
- De plus, l'atmosphère dans laquelle se déroule la thérapie doit être marquée par la validation des expériences et des émotions du patient, créant un climat de confiance et de compréhension.
Comment fonctionnent ces thérapies ?
L’aspect central de ces thérapies est :
➡ L’équilibre entre l'acceptation des émotions et des expériences du patient
➡ Et la mise en œuvre de stratégies de changement pour améliorer la régulation émotionnelle et les comportements.
Les émotions du patient sont constamment au centre de l'attention thérapeutique, avec un travail approfondi sur l’affect pour mieux comprendre et gérer les réactions émotionnelles.
L’autre élément clé, comme expliqué, réside dans l’enseignement d’aptitudes spécifiques. Le patient est formé à acquérir de nouvelles compétences qui renforcent son sentiment d’auto-efficacité, lui permettant de mieux gérer les situations difficiles.
La psychoéducation ou éducation thérapeutique permet au patient TPB de comprendre le trouble, ses symptômes et savoir comment y faire face. C’est un outil particulièrement efficace pour aider le patient TPB.
Tout au long du processus, le thérapeute veille à maintenir la motivation du patient et à favoriser une collaboration active, afin que les efforts déployés soient partagés et mutuellement renforcés.
Enfin, les plans de crise font partie intégrante de ces approches. Ils permettent de prévoir des stratégies adaptées pour gérer les moments de détresse ou de crise, afin d'assurer la sécurité et la continuité du travail thérapeutique.
Tous ces éléments permettent de structurer un traitement efficace et adapté aux besoins spécifiques des personnes atteintes de trouble de la personnalité borderline.
Quels sont les freins liés à la prise en charge ?
En effet, les patients atteints de TPB font souvent face à des difficultés supplémentaires en raison de comorbidités psychiatriques : la dépression, l'anxiété, des troubles alimentaires ou des addictions...
Cette combinaison complique le traitement, car il est indispensable de prendre en charge simultanément ces différents troubles, ce qui exige des ressources que les systèmes de santé ne peuvent pas toujours fournir de manière adéquate.
L’accès aux soins spécialisés reste un défi
Bien que certaines thérapies, telles que la thérapie comportementale dialectique[6] ou la thérapie des schémas[7], aient démontré leur efficacité, elles ne sont pas facilement accessibles partout. Dans certaines régions, notamment les zones rurales, l'offre en soins spécialisés pour le TPB est insuffisante, et les listes d’attente peuvent allonger considérablement le délai avant de pouvoir commencer un traitement approprié.
Le rôle crucial des ressources familiales et sociales
Les ressources familiales et sociales jouent un rôle crucial dans le succès du traitement. Malheureusement, de nombreux patients borderline vivent dans un environnement familial ou social fragile, voire conflictuel.
L'isolement social ou un entourage peu informé sur le trouble peut aggraver les symptômes et compliquer la prise en charge.
Le manque de soutien ou de compréhension de la part des proches peut entraver le processus de guérison.
L'impact des facteurs culturels et économiques dans la prise en charge
Les facteurs culturels et économiques constituent aussi un frein à la prise en charge. Les personnes issues de milieux socio-économiquement défavorisés rencontrent souvent des difficultés pour accéder à des soins de qualité, en raison du coût des traitements, d'une couverture d’assurance insuffisante ou de la précarité. De plus, dans un contexte général où les troubles mentaux sont stigmatisés, la demande de soins peut être retardée, ce qui aggrave la situation du patient.
Des hospitalisations répétées qui peuvent s'avérer néfastes
Dans certains cas, les comportements suicidaires fréquents ou les automutilations graves peuvent nécessiter une hospitalisation. Cependant, l'accès aux structures hospitalières spécialisées est souvent limité. De plus, des hospitalisations répétées ou trop longues peuvent créer une dépendance au milieu hospitalier, sans pour autant conduire à des avancées thérapeutiques significatives à long terme.
Des professionnels peu préparés à soigner le TPB
Enfin, un autre obstacle au traitement efficace du TPB réside dans la formation des soignants. Tous les professionnels de santé ne sont pas formés ou préparés à traiter ce trouble, ce qui peut provoquer des réactions émotionnelles fortes en raison de la complexité des relations thérapeutiques avec les patients borderline.
La nature intense des interactions (alternance d’idéalisation et de dévalorisation du thérapeute) peut créer des tensions, ce qui souligne la nécessité pour les soignants de bénéficier d’une formation adéquate et de soutien pour gérer ces défis.
En conclusion
Comme on le voit, les difficultés de prise en charge sont réelles et représentent de vrais défis pour les thérapeutes et les différents systèmes de soins de santé. Le trouble de la personnalité borderline (TPB) est cependant au cœur de nombreuses recherches et innovations, sources de nouvelles perspectives de traitement.

Face aux défis du TPB, Sylvia Martin, psychologue clinicienne et psychothérapeute TCCE, docteure en psychologie clinique et psychopathologie et enseignante universitaire, a créé ECCCLORE pour faciliter l’accès aux thérapies. En 22 séances sur 6 mois, ce parcours intégratif allie thérapies cognitivo-comportementales et émotionnelles suivi individuel et de groupe, adapté aux patients.
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Références :
[5] Selon Bohus et al. (2021) (Bohus, M., Stoffers-Winterling, J., Sharp, C., Krause-Utz, A., Schmahl, C., & Lieb, K. (2021). Borderline personality disorder. The Lancet, 398(10310), 1528-1540.).
[6] Weiner, L., Weibel, S., & McMain, S. Pratiquer la thérapie comportementale dialectique : Principes, modalités et applications., 2024, Dunod.
[7] Young, J. E., Klosko, J. S., & Weishaar, M. E., La thérapie des schémas : Approche cognitive des troubles de la personnalité (3ᵉ éd.), 2024, De Boeck Supérieur.
[8] Debbané, M., Mentaliser (3ᵉ éd.), 2018, De Boeck Supérieur.
[9] Bateman, A., Fonagy, P., Mentalisation et trouble de la personnalité limite, 2019, De Boeck Supérieur.