Cet article fait partie d'un dossier sur la dépression disponible ici.

 

La moitié des personnes ayant vécu un épisode dépressif aigu sont sujettes à en refaire [1]. Si lors d’un premier épisode dépressif caractérisé (EDC), le facteur déclencheur est souvent extérieur, ce n’est pas le cas des suivants : « Il suffit d’une baisse de moral. Car la personne interprète ses pensées comme des symptômes », explique Sybille de Ribaucourt, psychologue, psychothérapeute cognitivo-comportementale et instructrice des programmes MBCT (Mindfulness-Based Cognitive Therapy [2]) et MBSR (Mindfulness-Based Stress Reduction [3]).

Ce phénomène est encore plus marqué chez les personnes qui présentent un trouble associé, puisque les difficultés fonctionnelles ont tendance à entraîner des variations de l’humeur, de l’autocritique ou de la culpabilité.

« Se connecter au moment présent »

Partant de là, la prévention du risque de rechute est essentielle. Pour cela, la psychologue conseille la pleine conscience, particulièrement efficace pour traiter les EDC, et surtout mobilisable à la maison. Elle peut être utilisée en consultations individuelles ou lors de programme en groupes.

La pleine conscience, c’est « l’aptitude à faire un pas de côté pour se détacher du mental et observer ce qui se passe en soi ». C’est redonner aux ruminations leur statut de pensées, sans en faire une vérité générale. En d’autres termes : se (re)connecter au moment présent.

À savoir :
La thérapie cognitive basée sur la pleine conscience (MBCT) diminue le risque de récidive dépressive de moitié. [4]

Des exercices du quotidien

Certains exercices utilisent les actions du quotidien : « Pendant la douche, se concentrer sur la sensation de l’eau sur sa peau ou sur l’odeur du savon aide à se concentrer sur l’instant T », évoque Sybille de Ribaucourt.

D’autres exercices sont plus formels, comme le scan corporel. L’objectif est d’alterner pratiques formelles et informelles afin d’être au plus près de ce qui convient à la personne en fonction de son état d’esprit ou du temps dont elle dispose.  La durée des exercices peut ainsi être modulée. Pour appuyer cette pratique régulière, différents supports permettent au patient de s’entraîner chez lui : sites internet, livres [5], audios… 

Mon cahier de méditation anti-déprime de Zindel V. Segal, John D. Teasdale et J. Mark G. Williams

Attention toutefois, l’idée n’est pas de faire disparaître les ruminations. « C’est comme au théâtre. La rumination, c’est l’acteur principal. Notre objectif, c’est de diriger le spot vers les autres acteurs ou les éléments du décor, qui ensemble constituent le moment présent », précise la psychologue.   

Vers des transformations physiologiques

Rediriger l’attention est un exercice difficile à faire au début, plus encore à transformer en habitude. Pour cela, pas de secret, la clé réside dans la pratique régulière.

« Des études ont montré qu’au bout des huit semaines du programme MBCT, et donc une pratique intensive et régulière de pleine conscience, des changements structurels s’opèrent dans le cerveau », appuie Sybille de Ribaucourt.

À savoir :
Certaines études ont démonté que la pleine conscience est tout aussi efficace que la prise en charge médicamenteuse dans la prévention de la rechute de la dépression. [6] Elle peut, dans certains cas, s’y substituer et dans d’autres la compléter ou la renforcer. La pratique de la pleine conscience est néanmoins plus contraignante que les médicaments car elle nécessite une pratique régulière et un réel investissement.

Adapter les exercices

Ces promesses sont-elles accessibles à tous ? Oui… avec un bémol :

• pour les cas psychiatriques non stabilisés,
• et pour les personnes dont l’état dépressif est sévère, pour qui se lever est parfois un défi à part entière.

Dans ce cas, plutôt que de les mettre en échec et aggraver leur état, mieux vaut adapter la thérapie et y aller progressivement. « En proposant une praline au chocolat, par exemple. Après l’avoir mangée, on valorise le fait que la personne se soit concentrée sur son goût et pas sur ses idées sombres. »

Devenir autonome

Pour introduire la pleine conscience afin de prévenir les rechutes de dépression, le moment idéal serait celui « où les symptômes commencent à refluer, mais où le patient a toujours besoin d’un suivi psychologique », soutient la psychologue. C’est le moment propice pour qu’il apprenne petit à petit à les utiliser en autonomie et parvienne à identifier ses pensées négatives comme telles et ainsi à éviter la rechute.

 

"Dépression : la pleine conscience pour prévenir les rechutes" est un article écrit par Lucie Leclercq.

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Références :

[1] Bondolfi, G. (2002), Dépression récurrente et prévention de la rechute, Med Hyg, -2, no. 2406, 1721–1726. 

[2] Pour en savoir plus :
• Zindel V. Segal, John D. Teasdale, Mark G. Williams, La thérapie cognitive basée sur la pleine conscience pour la dépression - Prévenir la rechute, 4eme édition, 2024, De Boeck Supérieur.
• Zindel V. Segal, John D. Teasdale, Mark G. Williams, Méditer pour ne plus déprimer, 2020, Odile Jacob.

[3] Jon Kabat-Zinn, Au cœur de la tourmente, la pleine conscience – Programme MBSR intégral, 4eme édition, 2023, De Boeck Supérieur.

[4] https://pulsations.hug.ch/article/la-mindfulness-un-outil-de-choix-contre-la-recidive

[5] Par exemple :
• Zindel V. Segal, John D. Teasdale, Mark G. Williams, Mon cahier de méditation anti-déprime – Comment se libérer des angoisses et sortir de la dépression, 2eme édition, 2020, De Boeck Supérieur
• Jon Kabat-Zinn, Méditations guidées, 2eme édition, 2023, De Boeck Supérieur.

[6] The Lancet – Effectiveness and cost-effectiveness of mindfulness based cognitive therapy compared with maintenance antidepressant treatment in the prevention of depressive relapse or recurrence (prevent) : a randomised controlled trial – Willem Kuyken, Rachel Hayes,… – Lancet 2015 386: 63-73 – 21 avril 2015